Boris Charmatz propose un nouvel objet chorégraphique limite : un hologramme perceptif pour 24 danseurs et 25 mouvements. Levée – comme une levée du temps, de la tension du sens, des règles organisant la perception ; un brouillage du regard porté sur la circulation, le passage, l’appropriation de gestes qui dérivent au sein d’un groupe. En une ronde hypnotique, une mosaïque d’actions simultanées glissant de corps en corps, les danseurs cherchent à produire un mirage : une impression subliminale se dégageant d’un enchaînement continu d’états. Ça se compose, se dénoue, se renoue, se condense, s’accumule, forme des noyaux, des lignes, des plis – matière vivante, solitaire et collective, où chaque danseur est « mobile dans l’élément mobile ».
Mais comment ça marche ? Comment ça évolue sans imploser ? Mu par un vide, animé par le décalage entre nombre d’actions et de danseurs, l’agencement s’auto-génère, se recompose – donnant l’impression d’un fondu enchaîné permanent. Exposée à la durée, sans cesse en train de se construire et de se dissoudre, cette structure à géométrie variable mobilise une attention flottante : ensemble choral à contempler d’un seul regard, et chorégraphie composée d’une multitude d’évènements qui s’emboitent, pivotent, se répètent ; danse qui simplement, a lieu, et mécano complexe, en oscillation constante. Avec Levée des conflits, Boris Charmatz invente un « trou de danse » absorbant le regard. Une danse-palindrome, à lire dans tous les sens. Un canon chorégraphique cherchant l’image d’une utopie.