Printemps

Le bâtiment de Christian de Portzamparc comprend trois entités : le Musée de Bretagne, un espace des science et son planétarium et une bibliothèque qui s’interpénètrent. Récemment inauguré au moment de la création de Julie Desprairies, cet édifice monumental n’est pas encore complètement adopté par ses usagers. Beaucoup critiquent sa démesure : trop cher, trop vaste, trop sculptural.

Printemps est le fruit d’une commande, cette fois la chorégraphe n’a pas choisi le site, elle n’est pas non plus familière de ce type d’architecture. Julie Desprairies décide de s’approprier le lieu grâce au concours de ses usagers et employés. Avec eux et son équipe, elle part à la découverte physique de ces espaces neufs pour en comprendre les enjeux, en donner une lecture qui leur ressemble.

Avec la danse comme avec la scénographie, il n’est pas question de rivaliser dans le spectaculaire. « Le défi consistait à se mesurer à l’écriture de Portzamparc avec nos outils, nos moyens, nos références et nos goûts, souvent éloignés de ceux de l’architecte. Il suspend l’accueil du musée et rend totalement libre de structures porteuses son rez-de-chaussée, orne sa façade d’une sculpture, pose une pyramide sur son sommet, incline un planétarium : nous dormirons, lirons, dessinerons sur les vitres, ferons pousser des plantes vertes », déclare-t-elle.

Un corps de ballet constitué d’un représentant des 37 communes de l’agglomération ayant participé au financement de l’équipement est recruté, une grande collecte de textiles fleuris échangés contre des graines à faire pousser dans les délaissés du bâtiment est lancée, des vidéos témoignant de l’inscription de l’édifice dans son contexte proche (le quartier) et lointain (la Bretagne) sont tournées, un répertoire de partitions de Philippe Hersant est monté… Au final ce sont 92 danseurs, 17 architectes-plasticiens et 46 musiciens qui, pendant huit mois lors de rendez-vous réguliers encadrés par 14 professionnels (4 danseurs, une plasticienne, un architecte, un créateur lumière, un vidéaste, un chef d’orchestre, un chef de chœur, 4 professeurs de musique), ont travaillé à l’élaboration d’un vocabulaire gestuel, plastique et musical commun.

Printemps, restitution publique de ces recherches, pour une jauge de 700 spectateurs, est pensé comme une vaste fabrique dans laquelle le public est invité à créer son propre parcours. Tout bouge, car tout est en travail, en action. Le public est gagné par la danse, et très vite on ne sait plus très bien qui est danseur et qui ne l’est pas, quel mouvement est prévu, réglé, écrit et quelle action s’improvise par hasard. La frontière est mince entre le geste dansé et la danse fortuite, surtout dans un lieu qui favorise le déplacement des corps.